Skip links

Vous avez gâché sa vie »… Un chauffard « sans aucune loi » face aux traumatismes de ses victimes

Au tribunal correctionnel de Rennes,

La cicatrice est énorme. Sur son crâne où ses cheveux repoussent doucement, cet homme présente une immense balafre qui raconte à elle seule l’enfer qu’il subit depuis le 11 septembre. Cet après-midi-là, ce piéton traversait l’avenue Charles-et-Raymonde-Tillon, à Rennes, sur un passage protégé. « Il est passé parce que le petit bonhomme était vert », rappelle son avocate devant le tribunal correctionnel de Rennes. Ému aux larmes, l’homme raconte, par la voix d’une interprète, le cauchemar vécu depuis qu’il a été fauché par un chauffard. Sa femme est en pleurs. « Il ne comprend pas comment quelqu’un peut conduire comme ça. Tout est fini pour lui. Vous avez gâché sa vie », résume la traductrice.

En larmes, l’homme porte les séquelles apparentes du drame. « Ce que vous voyez là, ce sont les traces d’une cranioplastie. On a dû retirer une partie du crâne de mon client pour préserver son cerveau. Mais ça, ce n’est que la partie visible. Le traumatisme crânien, il faudra au moins trois ou quatre ans pour l’évaluer », prévient Me Cécile Bigre, l’avocate du piéton. Dans le box des accusés, le prévenu ne bronche pas.

Le 11 septembre, Levy Andrieux, 19 ans, était avec sa femme, enceinte de sept mois, et roulait à vive allure, juste après avoir quitté le terrain des gens du voyage de Gros-Malhon où il vivait alors. Il a doublé des voitures, fait des queues de poisson, avant de griller un feu rouge et de percuter ce piéton qui s’engageait. Sa tête avait heurté le pare-brise si violemment que la vitre avait explosé. Son pronostic vital a longtemps été engagé. L’automobiliste n’avait pas freiné et avait pris la fuite au volant de la Renault Mégane volée qu’il venait d’acheter. Il n’avait ni permis de conduire, ni assurance, ni contrôle technique. « J’ai paniqué. Ma femme aussi. Elle était enceinte. Je me suis dit qu’il fallait que je parte pour ne pas avoir de problème », raconte le jeune homme. Les dépistages révèleront une consommation de cannabis et de cocaïne.

Quand la police l’escorte jusqu’à l’hôpital

Ce gamin à l’enfance difficile et dont le père est en prison comptait déjà sept condamnations à son casier judiciaire quand il a décidé qu’il était temps pour lui de conduire. Sans jamais suivre un cours en auto-école. Sans jamais passer son permis. Le 1er octobre, Levy Andrieux sera contrôlé par les policiers à bord d’une autre voiture, là aussi volée et sans assurance. Il réussira à les amadouer en leur disant que sa femme avait perdu les eaux et allait accoucher, obtenant même une escorte policière jusqu’à la clinique. L’automobiliste avait menti. Dans son box, il sourit en évoquant ce jour où il a entourloupé les forces de l’ordre. La police, il la recroisera trois semaines plus tard.

Le 28 octobre, il est cette fois au volant d’une Dacia, volée, qu’il a garée sur une place handicapée de la place d’Italie, à Rennes. Quand il aperçoit les agents, il sort en trombe du parking. A ses côtés, sa femme enceinte de huit mois, sa sœur de 6 ans, un cousin de 13 ans et sa belle-mère. Lors de sa fuite, il percute violemment un cycliste, gravement blessé, avant d’emprunter la rocade avec un pneu crevé, puis de revenir dans Rennes. Il finira sa course dans un lampadaire, abandonnera toute sa famille pour tenter de fuir à pied en escaladant le grillage d’une école. « Je ne voulais pas partir en prison alors que ma femme était enceinte », explique-t-il.

Huit ans de prison ferme

Interpellé par les policiers, le mis en cause n’aura pas vu la naissance de son bébé. Sa femme a accouché alors que le chauffard était mis en examen par un juge d’instruction. Depuis ce 30 octobre, il dort en prison. « J’ai réfléchi. Je regrette tous les jours », lâche-t-il sans réelle conviction. Dans sa veste de survêtement noir, il s’agace face aux mots forts du procureur, qui l’accable. « C’est une pure folie. Nous sommes face à un électron libre, un électron fou sans aucune loi. Un électron malfaisant qui percute tout ce qu’il croise », attaque Jean-Marie Blin. Le procureur adjoint requiert huit ans de prison ferme. L’avocat du chauffard a bien du mal à défendre son client et tente d’évoquer le parcours chaotique de cet homme « immature » qui « a peu de repères ». En vain.