Très tôt, afin d’éviter tout accident de la route, nous apprenons à nos enfants à traverser, après avoir regardé des deux côtés et sur le passage piéton, ces zébras blancs peints sur la chaussée.
Et les chiffres de la sécurité routière donnent raison : 7 piétons renversés par un véhicule sur 10 ont perdu la vie en agglomération dans un accident de la circulation.
Ce chiffre peut s’expliquer notamment par la forte densité de population et d’usagers de la route.
C’est pourquoi, le respect de règles simples est demandé aux piétons :
- S’il existe un passage pour piétons à moins de 50 mètres, obligation de l’emprunter ;
- S’il n’existe pas de passage, le piéton doit traverser selon un axe perpendiculaire à la chaussée.
- Aux intersections à proximité desquelles il n’existe pas de passage pour piétons, la traversée s’effectue en prolongeant le trottoir (pas de traversée en diagonale)
- Toujours traverser après s’être assurée de pouvoir le faire « sans risque, en fonction de la visibilité, de la distance et de la vitesse des véhicules ».
Les conducteurs se voient eux aussi contraints à une obligation élémentaire codifiée à l’article R415-11 du Code de la route :
« Tout conducteur est tenu de céder le passage, au besoin en s’arrêtant, au piéton s’engageant régulièrement dans la traversée d’une chaussée ou manifestant clairement l’intention de le faire ou circulant dans une aire piétonne ou une zone de rencontre. »
Ainsi, dès qu’un piéton se présente sur un passage piéton ou manifeste son intention de traverser, l’automobiliste se doit de s’arrêter.
A plus forte raison encore lorsqu’il s’agit de piéton, personne âgée, dont les réflexes et la qualité de l’audition diminuent, le champ de vision rétrécit et l’acuité visuelle faiblit.
Contrevenir à cette obligation peut entraîner pour son conducteur, responsable de l’accident, une amende de 4ème classe, voire une peine d’emprisonnement en cas de grave accident, et d’accident mortel.
Le statut de victime du piéton renversé dans la loi du 5 juillet 1985
La loi du 5 juillet 1985, dit Loi Badinter, fait du piéton renversé lors d’un accident sur la voie publique, la victime ultra protégée qui aura toujours droit à une indemnisation intégrale « sauf s’il [le piéton] a recherché volontairement le dommage ou s’il a commis une faute inexcusable. »
La loi Badinter va encore plus loin dans l’indemnisation des victimes d’un accident puisque le piéton ne verra pas son droit à indemnisation réduit même s’il est responsable de l’accident de la route.
Les voitures étant à risque, le législateur de 1985 a considéré que le piéton, victime de la route, même s’il commet une faute en ne respectant pas le Code de la route, a le droit à la réparation du préjudice corporel et l’indemnisation de son préjudice, par l’assureur du véhicule impliqué.
Alors, passage piéton ou pas, le piéton est toujours prioritaire.
A ce titre, la Cour d’appel de Rennes a jugé récemment qu’un piéton, ayant subitement traversé la chaussée, avait entièrement droit à être indemnisé et ce, peu importe, si le piéton avait regardé à droite et à gauche avant de traverser la route (CA Rennes, 5ème chambre, 5 janvier 2022 n° 18/05273.).
Qu’entend-on par faute inexcusable, pour exclure le droit à indemnisation du piéton dans le cadre d’un accident de la circulation ?
Prévu à l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985 :
« Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subies, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident.
Les victimes désignées à l’alinéa précédent, lorsqu’elles sont âgées de moins de seize ans ou de plus de soixante-dix ans, ou lorsque, quel que soit leur âge, elles sont titulaires, au moment de l’accident, d’un titre leur reconnaissant un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité au moins égal à 80 p. 100, sont, dans tous les cas, indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subies.
Toutefois, dans les cas visés aux deux alinéas précédents, la victime n’est pas indemnisée par l’auteur de l’accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu’elle a volontairement recherché le dommage qu’elle a subi. »
La loi prévoit déjà l’exclusion de toute limitation du droit à indemnisation du dommage corporel pour :
- Les piétons de moins de 16 ans
- Les piétons de plus de 70 ans
- Les piétons, titulaires d’un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité au moins égal à 80%
En pratique,
La 2ème chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 28 mars 2019, n°18-14125 & 18-15855 rappelle la définition suivante « Il s’agit de la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience. »
La jurisprudence retient principalement la faute inexcusable de la victime lorsque le piéton a traversé de nuit une chaussée à double sens de circulation séparée par un terre-plein surmonté d’un muret qu’il avait escaladé et ce à 75 mètres d’un passage protégé.
2ème chambre civile de la Cour de cassation, du 28 mars 2019, n°18-15168
« Ce dernier a délibérément traversé la voie, à un endroit dépourvu de visibilité pour les conducteurs, et s’est exposé sciemment à un danger, sans raison valable, puisque sa voiture était en bon état de marche et qu’il se trouvait jusque-là en sécurité sur un refuge. Ce comportement peut être qualifié d’une exceptionnelle gravité. »
En résumé, la faute exclusive du piéton est retenue pour les accidents sur autoroute où les piétons n’ont pas à se trouver et en présence d’une lettre de suicide de la victime, encore faut-il que la victime ait eu conscience de son acte.
A ce titre, le cabinet est intervenu dans un accident de la circulation mortel où la victime d’un accident, piéton, marchait le long d’une rocade, fortement alcoolisé, après avoir enjambé les barrières de sécurité et qui s’était ouvert très librement de sa volonté de mettre fin à ses jours. L’assureur du véhicule impliqué refusait la réparation du dommage corporel de la victime de la route. La Cour d’appel l’a pourtant condamné et ne retenant pas la faute exclusive du piéton renversé, en raison du taux d’alcoolémie qui entravait son raisonnement et de la présence du piéton sur la bande d’arrêt d’urgence et non au milieu de la chaussée. |
Quelle responsabilité du piéton s’il commet des dommages en raison de sa faute ?
Le piéton, qu’il soit blessé ou non, peut lui aussi engendrer des dommages au véhicule impliqué.
Dans ce cas, le piéton reste responsable et engage sa responsabilité civile.
La Cour de cassation et les juges du fond condamnent ainsi de manière constante les piétons à réparer les dommages infligés aux véhicules impliqués ou à leurs conducteurs.
« La responsabilité d’un piéton envers un conducteur de véhicule terrestre à moteur est régie par les dispositions des articles 1382 et suivants du code civil, devenus les articles 1240 et 1241 du même code dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en vertu desquels tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. » (CA Aix-en-Provence, ch. 1 6, 7 juill. 2022, n° 21/04585)
Le conducteur après avoir été éjecté de son véhicule, devient-il piéton ?
En raison de la distinction de statut et donc du droit à indemnisation entre le conducteur et le piéton, le régime très favorable de ce dernier est recherché par le conducteur éjecté après un premier accident.
La Cour de cassation, très rapidement, après la publication de la loi, a toujours statué pour le régime le plus favorable.
Ainsi, le conducteur, au volant de son véhicule, perd cette maîtrise dès lors qu’il est éjecté à la suite d’un premier accident. Il n’est dès lors plus conducteur s’il est renversé par un autre véhicule lors d’un second accident.(Civ. 2e, 28 mai 1986, Bull. civ. II, n° 82 ; JCP 1986.II.20692).
La raison tient naturellement à ce qu’au moment de ce second accident, il est hors de son véhicule et n’est donc plus à ses commandes.
Le conducteur éjecté devient dès lors piéton.
Cette solution n’est néanmoins pas adoptée en l’absence de deux accidents successifs.
Ainsi, un cyclomotoriste éjecté puis renversé par un véhicule impliqué dans le même temps par le même autre véhicule, conserve la qualité de conducteur. Il sera alors indemnisé en cette qualité. (2ème Civ. Cass. 15 mai 1992) et ses fautes seront appréciées en qualité de conducteur.
La fragilité du piéton, victime d’un accident de la route, explique amplement le statut protecteur prévu par la loi du 5 juillet 1985, pour l’indemnisation de son préjudice corporel et matériel.
Les situations peuvent néanmoins être complexes et le cabinet d’avocats de Maître Cécile Bigre, expérimenté en ce domaine et spécialisé en droit du dommage corporel, saura accompagner toute victime d’accident de la circulation.